Extrait :
Il y a ce qui dépend de nous, il y a ce qui ne dépend pas de nous. Dépend de nous l’opinion, la tendance, le désir, l’aversion, en un mot toutes nos œuvres propres ; ne dépendent pas de nous le corps, la richesse, les témoignages de considération, les hautes charges, en un mot toutes les choses qui ne sont pas nos œuvres propres. Les choses qui dépendent de nous sont naturellement libres, sans empêchement, sans entrave ; celles qui ne dépendent pas de nous sont fragiles, serves, facilement empêchées, propres à autrui. Rappelle-toi donc ceci : si tu prends pour libres les choses naturellement serves, pour propres à toi-même les choses propres à autrui, tu connaîtras l’entrave, l’affliction, le trouble, tu accuseras dieux et hommes ; mais si tu prends pour tien seulement ce qui est tien, pour propre à autrui ce qui est, de fait, propre à autrui, personne ne te contraindra jamais ni ne t’empêchera, tu n’adresseras à personne accusation ni reproche, tu ne feras absolument rien contre ton gré, personne ne te nuira ; tu n’auras pas d’ennemi ; car tu ne souffriras aucun dommage. Toi donc qui poursuis de si grands biens, rappelle-toi qu’il faut, pour les saisir, te remuer sans compter, renoncer complètement à certaines choses, et en différer d’autres pour le moment. Si, à ces biens, tu veux joindre la puissance et la richesse, tu risques d’abord de manquer même celles-ci, pour avoir poursuivi aussi ceux-là, et de toute façon tu manqueras assurément les biens qui seuls procurent la liberté et le bonheur. Ainsi, à propos de toute idée pénible, prends soin de dire aussitôt : « tu est une idée, et non pas exactement ce que tu représentes. » Ensuite, examine-là, éprouve-la selon les règles que tu possèdes, et surtout selon la première, à savoir : concerne-t-elle les choses qui dépendent de nous ou celle qui ne dépendent pas de nous ? Et si elle concerne l’une des choses qui ne dépendent pas de nous, que la réponse soit prête : « Voilà qui n’est rien pour moi. »
Épictète, Manuel, I, dans É. Bréhier, Les Stoïciens, La Pléiade, Paris, 1962, p. 1110.
Questions :
1. Pour commencer, indiquez dans un tableau à deux colonnes ce qui, selon vous et d’après votre expérience ordinaire, dépend de nous d’un côté, et ce qui n’en dépend pas de l’autre.
2. Dans une autre couleur, complétez à nouveau ce tableau, en vous appuyant cette fois sur les éléments produits dans le texte. Que constatez-vous, en comparant vos réponses spontanées, et celles apportées par cet extrait ?
3. Quelles différences observez-vous ?
4. Pourquoi le corps ne dépend-il pas de moi ?
5. Pourquoi le désir et l'opinion en dépendent-ils ?
6. Qu'est-ce que la liberté, alors, selon Épictète ?
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